Sélestat : la renaissance du livre

Au cœur de la bibliothèque humaniste de Sélestat, il est un trésor si précieux que l’Unesco l’a inscrit au patrimoine mondial.

Peu de bibliothèques valent une visite touristique. Celle de Sélestat, dans le Bas-Rhin, fait partie de ces exceptions. Elle abrite un trésor dans sa nouvelle architecture, qui relie dans un ensemble de pierre, de grès rose et de verre la halle aux grains du XIXe siècle à une extension moderne conçue par l’architecte du MuCEM à Marseille, Rudy Ricciotti. Durant quatre ans, l’aménagement intérieur ainsi que la muséographie ont été repensés afin de scénariser une remarquable collection de livres, manuscrits et incunables datant des XVe et XVIe siècles, et dont une partie est classée par l’Unesco au patrimoine mondial au titre de  Mémoire du monde.

Au XVe siècle, Sélestat est une ville prospère du Saint-Empire romain germanique. Au sein de son école latine, réputée, se forment des humanistes qui, pour l’homme, souhaitent instruction, liberté, responsabilité, solidarité. La Renaissance est en marche ! Avec Gutenberg, ce mouvement prend de l’ampleur : grâce à l’imprimerie, les nouvelles idées se propagent plus vite, et de nouveaux besoins, de nouveaux métiers, de nouvelles opportunités économiques apparaissent.

Dans ce bouillonnement idéologique et sociétal, des personnalités se démarquent. Beatus Rhenanus notamment, qui fait, en 1547, un remarquable don à la bibliothèque : plus de 600 volumes réunissant parfois jusqu’à 24 titres sous une même reliure de cuir. Ceux-là mêmes qui seront inscrites par l’Unesco en 2011.

La vie de Beatus, représentative de celle des humanistes de l’époque, sert de fil conducteur à la visite. Première étape, l’émouvant cahier d’écolier de ce généreux natif de Sélestat, dont le visiteur tourne les pages sur un feuilletoir numérique. Puis viennent les études qu’il a choisi de mener à Paris. Enfin, ce sont ses débuts dans le monde de l’édition strasbourgeois, suivis de son parcours parmi les humanistes et non des moindres. Beatus se lie d’amitié avec son mentor, le chanoine philosophe Érasme de Rotterdam, auteur du best-seller de l’époque Éloge de la folie.

Rien d’étonnant à ce que ce bibliophile de la première heure ait acquis tout au long de sa vie de fameux ouvrages telle la bible de la Sorbonne du XIIIe siècle, un lectionnaire mérovingien du VIIe siècle… S’ajoutent à ce fond d’érudition ses nombreuses lettres, où il livre ses réflexions philosophiques comme ses notes du quotidien. Ainsi se dévoile la personnalité d’un humaniste visionnaire doublée de celle d’un homme de son temps. Une époque pendant laquelle Sélestat rayonnait, où le christianisme entamait la grande Réforme.

Le visiteur finit nez à nez avec le trésor de la bibliothèque, conservé dans un grand caisson vitré. Il rassemble aujourd’hui 2000 ouvrages : des manuscrits, des incunables (imprimés de 1500 à 1550) et des imprimés. Soit toute la collection de Beatus Rhenanus ainsi que les plus ouvrages de Beatus Rhenanus ainsi que les plus précieux ouvrages de la bibliothèque paroissiale créée, dès 1425; à Sélestat…Tout une histoire racontée au fil des milliers de vieilles pages…