Rendez-vous dans les jardins d’Etretat

La petite cité balnéaire de Seine-Maritime propose une superbe création paysagère. Elle magnifie l’un des panoramas les plus fameux d’Europe.

Étretat compte 1400 habitants et 1000 fois plus de touristes chaque année. L’hiver, un promeneur foule pourtant les galets de la plage, quasi seul. À main gauche se  détache la falaise d’aval, la plus représentée avec sa porte en trompe d’éléphant et son aiguille, creuse pour  Arsène Lupin et son auteur, Maurice Leblanc, dont la maison se visite non loin. Du côté droit, la falaise d’amont est dominée par la chapelle Notre-Dame de la Garde et par la villa Roxelane. Les Jardins d’Étretat se trouvent là-haut, autour de cette demeure Belle Epoque.

Le chemin des douanes y mène en un quart d’heure ainsi qu’une navette en saison. Mieux vaut oublier le parking contigu bientôt supprimé. L’ébahissement saisit d’emblée. Que de détermination et que de moyens financiers il a fallu pour réaliser de tels jardins, presque au sommet de la falaise ! La bonne fée vient de Russie. Concepteur de jardins reconnu, Alexander Grivko œuvre pour des clients fortunés à travers le monde et dispose de bureaux à Moscou et à Londres. Il aurait pu s’installer n’importe où mais il a choisi ce point précis, entre la station balnéaire et les falaises de la côte d’Albâtre.

Très secret, il n’explique pas pourquoi. Certains évoquent des souvenirs de vacances émerveillés. Toujours est-il qu’il acquiert la propriété avec son compagnon et associé, il y a 5 ans. Dans la foulée, il transforme le parc vieillissant en jardin paysager. Dans la foulée, il transforme le parc vieillissant  en jardin paysager. Houx, osmanthes, Elaeagnus, filaires à feuilles étroites… des dizaines de milliers de végétaux persistants sont plantés en complément des arbres centenaires rescapés. 3000 m² de talus sont rachetés afin de porter l’ensemble à 7000 m².

Alors que beaucoup auraient gardé la pleine jouissance du lieu, le paysagiste en fait une vitrine et ouvre les portes au public, d’abord à petite échelle puis totalement fin 2016. Le résultat est stupéfiant ! Loin de concurrencer la fabuleuse vue sur la falaise d’aval, les nouveaux jardins l’accompagnent et s’en inspirent, presque avec humilité. Les haies descendent vers la mer en ondulantes vagues, les ifs se dressent vers le ciel telle l’aiguille en arrière-fond, les arbustes se ploient en une succession d’arches, les buis se font coquillages pour recueillir les expressives têtes rondes en résine de Samuel Salcedo.

Les jardins d’Étretat se veulent impressionnistes, misant sur des topiaires aux formes épurées et toutes les nuances de vert. Divisés en huit espaces en pente douce, ils s’ouvrent aussi à la poésie et à l’art contemporain.  Le visiteur est ainsi invité à remonter une clé fichée dans un arbre, comme pour entrer dans le monde d’Alice. Des suspensions en terre cuite jouent avec les sonorités et les traductions du mot art, parmi les azalées, les camélias et les rhododendrons. Fin avril, l’artiste Sasha Frolova installera un trampoline gonflable de style rococo. Le Claude Monet en branchages de Wiktor Szostalo n’en verra rien. Regard tourné vers la mer et la falaise d’aval, il peint à toute heure le Coucher de soleil, un des 80 tableaux qu’Étretat lui a inspiré.