De l’art dans les jardins flottants d’Amiens

La 9e édition du Festival Art, Villes & Paysage donne un visage contemporaine aux hortillonnages picards. En barque et à pied, laissez-vous surprendre.

Certes le nom du pont d’embarquement, le Port à Fumier, n’est pas engageant… Mais une fois sur place, à Camon, nulle odeur suspecte ne flotte ! Une courte formation pour manier le gouvernail et le moteur électrique, et vous voilà parti sur le rieu (c’est ainsi que les Amiénois appellent les canaux des hortillonnages). Après quelques minutes, la trajectoire de votre barque gagne en précision. Gilet de sauvetage au cou, vos passagers se détendent.

Premier accostage sur un ponton pour visiter « Willows of Amiens », une cathédrale végétale, toute de saules (willows) et de prairie fleurie. Certes,elle n’atteint pas les 42 mètres sous voûte de l’originale gothique mais l’effet et le clin d’œil sont réussis. En face, « les Berges sonores » amplifient les clapotis de l’eau grâce à un carillon. Plus un bateau s’approche et plus le son augmente. Nouveau débarquement juste derrière pour cheminer dans « le Potager embarqué ». Le paysagiste Florent Morisseau a représenté la conquête des hortillonnages par l’homme : la friche est peu à peu éliminée puis transformée en cultures. Salades et potirons poussent sur les eaux, dans des caissons sortis des canaux et finit par envahir des barques. On sent la volonté de défendre ce marais exploité depuis le Moyen-Âge et sa production maraîchère.

« Il n’y a plus que 7 hortillons professionnels dont un seul travaille encore par bateau, explique Gilbert Fillinger, fondateur en 2010 du Festival. En créant cet événement, nous avons voulu valoriser des terres en friche ». Des dents ont grincé au début , les visiteurs troublant chasseurs, kayakistes et quelques propriétaires de parcelles. L’édition 2018 présente  47 œuvres dont 10 nouvelles, installations paysagères ou créations plastiques, sur deux sites. « Nos choix s’accordent au rythme paisible de la nature, reprend Gilles Fillinger. On souhaite poser des questions sur le devenir, le comment vivre, le sens de cette course folle à la modernité, le rapport à l’alimentation… ».

Non loin, une poule d’eau semble courir sur l’étang de Clermont. La ville rappelle sa proximité avec le haut de la tour Perret. La balade en barque dure 2h30, parmi une vingtaine d’îles. Vous pourrez admirer bien d’autres créations telle  l’Intervention, sculpture de Phoebe Eustance, et même fertiliser grâce à des toilettes sèches dans « le Jardin du Pot commun ».

Le festival compte aussi une partie terrestre sur l’île aux Fagots, accessible côté Amiens, par le Chemin de halage. Une dizaine d’œuvres permettent de poursuivre la découverte, la réflexion voire l’amusement. Les leurres des pêcheurs ont été grossis et forment « l’Îlot leurres » où éclatent le orange et le rose. Un repos bienvenu est offert sur les troncs du « Bois des Rémanents » ou dans les hamacs rouges parmi les lianes de la houblonnière. Non loin, passent les barques à cornet de l’association de sauvegarde des marais. La visite est guidée, l’approche plus historique et naturaliste complète celle du Festival. Il y a de la place pour tous dans ces 300 hectares qu’une mobilisation populaire, menée par un certain Nisso Pelossof, sauva de l’asphalte et de la folie destructrice des années 1970 !

À travers les Hauts-de-France

Fort de son succès à Amiens, le Festival Art, Villes et Paysage se développe dans la région. Trois jardins pérennes mêlant le contemporain à l’art paysager viennent d’être achevés. Ils bordent la Somme à Long, Saint-Quentin et Abbeville. De même, des jardins de la paix vont agrémenter les hauts-lieux de la première Guerre mondiale. Chaque jardin est conçu par un paysagiste de la même nationalité que le mémorial concerné (l’Australie à Fromelles, le Canada à Vimy, l’Irlande à Péronne…). Les 15 premiers seront inaugurés en fin d’année.