Dans le Loir-et-Cher, le domaine voulu par François Ier sort de sa léthargie. Les nouveaux jardins refleurissent et les projets fusent.
Début juin 2016, les images de la crue du cosson font le tour du monde. Ce tranquille affluent de la Loire est sorti de son lit, accentuant l’irréalité du château alors prisonnier d’un incontrôlable miroir d’eau. Cela ne va nullement empêcher la recréation des jardins à la française, sur les lieux même de la crue, trois mois plus tard ! « Il s’agissait d’entreprendre un projet positif après cette catastrophe, reconnaît Jean d’Haussonville, directeur général du domaine. Jamais depuis Louis XIV une crue pareille n’avait été signalée ! ».
Début juillet 2016, les archéologues fouillent un sol déjà asséché et, début septembre, les engins préparent les 4,5 hectares de terrain avant les plantations de novembre et décembre. « L’idée a été de recréer les jardins à la française réalisés en 1734 puis délaissés jusqu’à leur disparition complète sous Pompidou », explique Jean d’Haussonville. Les ternes gazons sont devenus deux séries de parterres, des bosquets et des alignements arborés. Ils bordent la grande façade nord et le côté est du château. Les plans originaux ont été respectés mais les essences adaptées. Plus de buis, victime de maladies, mais du fusain nain du Japon et du thym ; plus de marronniers mais des merisiers à fleur et des tilleuls. Le fleurissement, à base de vivaces, débute avec le bleu-violet des géraniums avant d’évoluer sur le jaune-orangé des achillées. Les rosiers mêlent variétés anciennes et modernes, telle la Catherine Deneuve, héroïne du Peau d’Âne de Jacques Demy, tourné en bonne partie ici.
Certes emblématique, ce jardin à la française n’est pourtant qu’un jalon du sursaut qui secoue Chambord depuis 2010. Le jardin à l’anglaise a été repris, la grande perspective du parc dégagée tandis que 250 hectares sont désormais accessibles aux promeneurs. Ces derniers jouissent aussi de nombreux bancs et même de toilettes gratuites, à l’entrée d’un village restructuré. François Ier voulait de la vigne dans son domaine. Qu’à cela ne tienne : les premiers pieds ont été replantés à partir de 2015, avec 14 hectares prévus à terme. 70.000 bouteilles devraient être produites par an, les premières en 2020. Parmi les cépages retenus, on choie le romorantin, apprécié du roi chevalier.
Chambord n’en oublie pas pour autant les aménagements intérieurs et sa première pierre posée en 1519, il y a bientôt 500 ans. De quoi accélérer les projets et les envies dans la tête du directeur général ! A demi-mot, Jean d’Haussonville confie vouloir redorer le haut des lanternons du château, comme lorsque François Ier reçut Charles Quint. Rien n’évoque l’itinérance de la Cour à la Renaissance ? Le célèbre décorateur Jacques Garcia va installer des décors pour y remédier. Une grande exposition rappellera les liens entre Chambord et Léonard de Vinci, mort juste avant le début de la construction, mais dont le château prolongerait les conceptions architecturales…
En attendant les festivités de 2019, les végétaux s’épanouissent, la musique retentit lors du 5ème Festival de musique et le fascinant escalier à double vis mène toujours le million de visiteurs annuels vers la plus fantastique des terrasses Renaissance.